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Confidences autour d'un thé... (ou d'un café)
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11 août 2014

[EXPO] Soeurs et peintres

soeurs et peintres

Dans ma liste d'expositions à voir cet été en Bretagne, il y avait ce petit flyer qui avait attiré mon attention concernant une exposition consacrée à deux peintres de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. C'est à Morlaix, au musée des Jacobins que s'exposent jusqu'au 31 Octobre des œuvres de deux sœurs Elodie La Villette (1842-1917) et Caroline Espinet (1844-1912).

Je trouvais l'idée de départ, à savoir mettre en regard les œuvres de deux sœurs qui ont apparemment une manière différente de percevoir la peinture, particulièrement intéressante. D'une part, au niveau de la rupture avec l'académisme de l'époque: deux sœurs qui ont eu une éducation artistique semblable mais qui ont pris des chemins stylistiques différents. D'autre part, parce que je ne connaissais pas du tout ces artistes – et qu'en plus ce sont des femmes.

ALORS, ELLE EST COMMENT CETTE EXPO ?

Au niveau du travail de chacune, ce n'est pas le genre de tableau qui fait battre mon cœur, mais dans un cas comme dans l'autre j'ai trouvé certaines qualités ; par exemple, cette lumière magnifiquement rendue dans Grève de Lohic et l'île des souris (1875) de Elodie La Villette ou les empâtements colorés de ce tableau de Caroline Espinet sur les brûleuses de goémons, qui nous faisait sentir les flammes.

En revanche pour ce qui est du parcours, j'ai eu du mal à percevoir le type de narration qui a été choisi. Une exposition raconte une histoire, ici j'ai eu du mal à voir laquelle. Il n'y a pas de datation des tableaux (dates manquantes ou omission volontaire ?), donc pas d'ordre chronologique, du moins clairement établi, ce qui aurait permis de voir l'évolution artistique de chacune des sœurs et de constater un éventuel changement de style ou au contraire une certaine continuité. L'exposition n'est pas non plus thématique (où alors quelque chose m'a échappé) ce qui aurait permis de voir comment chacune des deux artistes traitait un même sujet.

Greve de Gohic et l'île des souris (1875) E. La Villette

Une remarque de ma mère illustre assez bien le ressenti général « Je préfère le travail de Elodie La Villette. » « Tu sais, tout à l'heure, tu avais plus tendance à pencher pour l’œuvre de Caroline Espinet... ». Et c'est bien-là tout le problème. En dehors d'histoire de goûts et d'affinités personnelles pour le travail de l'une ou de l'autre, le fait qu'il n'y ait pas de fil conducteur évident, donne un coté assez brouillon à l'ensemble.

C'est une chose qui aurait pu être intéressante, de mélanger pêle-mêle les tableaux des deux sœurs, si le titre de l'exposition n'avait pas été sœurs ET peintres. Il est dit que l'aînée peint de manière plus académique que sa cadette, qui s'essaye à une peinture plus avant-gardiste. Effectivement, il y a toute une partie du travail de Caroline Espinet qui est dans la couleur et la matière plutôt que dans le soucis du détail et de la représentation fidèle du réel. Cependant, le fait que cette production alterne avec ses tableaux plus académiques, sans que l'on sache si ils sont contemporains ou pas (on revient au problème de la datation), atténue la singularité de son œuvre par rapport à celle de sa soeur. Ce qui donne d'ailleurs des débats sans réponses, comme celui au début de l'exposition sur l'antériorité/postériorité d'une série de tableaux vis-à-vis d'une autre : moins détaillés car débuts du peintre ou alors moins détaillés car volonté délibérée de se pencher sur les couleurs plutôt que sur les détails ?

[remarque déformation d'ancienne étudiante : les cartels sont mal présentés, le titre et le nom de l'artiste ayant la même mise en forme. Sur des titres type « Clair de lune » ce n'est pas vraiment un problème, mais sur des titres type « Marguerite Strohl » ça peut porter à confusion (même si, okay, on vient voir une exposition sur Elodie La Villette et Caroline Espinet, donc on se doute que si il y a le nom de l'une d'entre elles c'est que c'est l'auteur, mais bon c'est une question de clarté)(et souvent je suis super chiante sur les détails)]

 

LES FEMMES ARTISTES (et moi, moi, moi)

Dès les premières lignes des panneaux explicatifs concernant la formation artistique des femmes durant la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, j'avais l'impression de retourner quelques années en arrière. Ah ! L'ouverture de l'école des Beaux-Arts de Paris aux femmes (1897), la première femme premier Grand Prix de Rome ( Lucienne Heuvelmans, 1911), l'atelier Julian à Paris, … Et en lisant ces lignes, en me rendant compte que j'avais écrit quasiment la même chose, que j'avais lu quasiment la même chose aussi, j'ai ressenti plusieurs choses.

Un premier sentiment, de frustration : je ne suis pas contente de mon mémoire de master qui est bien trop superficiel à mon goût, mais lorsque je vois les textes écrits pour l'exposition je me dis que, merde quoi, j'aurais pu les écrire moi-même ça aurait été tout à fait dans mes cordes. Un second sentiment, de satisfaction, de fierté presque : cela veut dire que j'ai peut-être passé trois ans à pleurer de désespoir face à ce mémoire qui n'en finissait pas, mais que finalement, si je ne suis pas une spécialiste du sujet, le climat artistique 1880-1940 et en particulier la position des femmes artistes durant cette période, est quelque chose que je maîtrise quand même bien davantage qu'une personne lambda. Un troisième sentiment enfin, étrange, celui d'être à ma place, en terrain familier : je sentais presque la poussière des archives, la pénombre d'une bibliothèque, la douceur du papier des dictionnaires d'artistes, la fatigue oculaire de feuilleter des plans de ville et des états civils en ligne.

A la fin de l'exposition, sur ce paragraphe sur l'amitié entre Hélène Bertaux (sculpteur qui a œuvré pour que l'on donne aux femmes la possibilité de se former de la même manière que les hommes) et Elodie La Villette, une question, une remarque restée en suspens : finalement, les deux sœurs étaient militantes à leur manière. Elodie, au travail plus académique, reconnu par la critique, s'impliquait fortement pour que les femmes aient accès aux mêmes structures de formation que les hommes. Caroline, si elle s'impliquait publiquement moins était selon moi tout aussi militante de par ses recherches plastiques, son style en rupture avec l'académisme ambiant.

Au final, et alors que ce n'était absolument pas le but premier, cette exposition m'aura donné une furieuse envie de me pencher à nouveau sur certain-e-s de ces artistes que j'avais approchées « archiviquement » parlant, il y a quelques années. Et lorsque l'on sait comment j'ai choisi mon sujet de mémoire, ça prête à sourire. Dites à la moi d'il y a cinq ans que je suis devenue liée à cette thématique, même après avoir bouclé mon master, elle n'en croira pas ses oreilles :)

Soeurs et peintres. Elodie la Villette et Caroline Espinet.
Musée de Morlaix, jusqu'au 31 Octobre
Tarif: 3 €

[par curiosité, et parce que on parlait mémoire, j'ai vérifié le nombre de mots de ce billet : 1100. Dire qu'en écrire 500 c'était le calvaire, quand je vois comment je prends plaisir à en écrire le double en deux fois moins de temps...]

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Commentaires
E
Niveau mise en contexte, explications et tout, rien à redire non plus. C'est surtout sur la forme que je trouve qu'elle n'était pas au point. Après c'est mon avis tout personnel.
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M
j'ai découvert ces femmes-peintres à Morlaix, l'exposition m'a paru bien commenée
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