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Confidences autour d'un thé... (ou d'un café)
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22 février 2016

Lady Mond (1869-1949)

Au départ, ce portrait était greffé à un autre projet mis de coté pour l'instant, qui liait tourisme et histoire*, mais cela fait bien un an que je compte parler de cette femme et que les feuillets de notes traînent dans ma boite à recherches. Comment raconter une histoire qui nous fascine ? Que développer et que mettre de coté ?

Sans titre-2

Qui ? Une fille de meunier de l'ouest des Côtes-d'Armor devenue la femme d'un riche industriel anglais. Marie-Louise « Mai » Le Manac'h est née le 5 Février 1869 à Belle-Isle-en-Terre, commune de la région de Guingamp (22). Seule fille d'une famille d'une dizaine d'enfants, elle connaît une enfance plutôt pauvre. Sa première visite à Paris a lieu en 1885, lorsque les propriétaires du moulin où vit sa famille lui proposent de les accompagner aux obsèques de Victor Hugo. L'incertitude règne cependant quant au déroulement de sa vie de jeune adulte. On sait qu'elle a quitté sa ville natale pour Paris, mais elle a peut-être travaillé auparavant à Guingamp ou Saint-Brieuc. Elle a fort probablement fréquenté les milieux artistiques parisiens qui sont en pleine effervescence en cette fin de siècle, sans doute en tant que modèle.

A la fin des années 1890, elle rencontre Simon Guggenheim de dix ans son aîné, alors marchand de légumes. Ils quittent Paris pour Londres où ils se marient en 1897 mais Simon meurt trois ans plus tard. L'année suivante, elle entame une liaison avec le Prince Antoine d'Orléans et Bourbon. Elle retourne à Belle-Isle-en-Terre et fait croire que ses richesses viennent de l'héritage laissé par son défunt mari – qui en réalité ne possédait pas grand chose. Le Prince met fin à leur liaison à la fin de l'année 1905. Maï le croise à Paris quelque mois plus tard : coup de poing et deux coups d'ombrelle, le prince s'en sort avec des ecchymoses et porte plainte contre elle. Elle retourne vivre au Royaume-Uni aux alentours de 1909 et c'est à cette époque qu'elle rencontre les frères Mond, Robert, chimiste réputé et Alfred, juriste et homme d'affaires.

Robert (1867-1938) est veuf et père de deux fillettes d'une dizaine d'années, Frida et Irène. Ils commencent à se fréquenter dès avant la première guerre mondiale mais ne se marient qu'en 1922, une fois les deux filles de Robert mariées. Commence alors une vie de voyages et de réceptions. Robert Mond est un passionné d'archéologie et d'études bibliques et le couple partage donc son temps entre la Bretagne, Paris, Londres et le Proche-Orient. Sans enfants, Lady Mond (Robert est anobli en 1932) est proche de ses neveux et nièces qui l'accompagnent parfois lors de ses voyages et pour qui elle acquiert plusieurs demeures (notamment à Plestin-les-Grèves La Maison Ker Koz, ou à Ploumilliau Le Château de Lanascol).

Outre des pieds à terre à Paris et à Londres, le couple rachète en 1928 la Villa du Bec de la Vallée à Dinard qu'ils renomment le Castel Mond et pour les soixante ans de sa femme, Robert Mond lui offre le Château de Coat an Noz, situé dans la forêt du même nom à Belle-Isle-en-Terre. Un présent qui est symbolique de l'ascension sociale de Maï le Manac'h dont la mère avait travaillé pour les anciens propriétaires des lieux. Dès 1932, Lady Mond fait également construire plusieurs bâtiments publics dans sa ville natale. D'abord une mairie, une salle des fêtes et une cantine dans le « Pavillon Mond », puis une poste et une pharmacie qui prennent place dans la réplique du Château de Coat an Noz qu'elle fait construire au centre de Belle-Isle-en-Terre. Friande de sports et des traditions locales, elle est membre de la Fédération des Amis des Luttes et Sports Athlétiques Bretons et fait partie des défenseurs de la langue bretonne (sa langue maternelle).

Robert Mond meurt en 1938. Durant la seconde guerre mondiale, le Château de Coat an Noz est occupé par les allemands. Lady Mond le délaisse peu à peu et fini sa vie dans la demeure qu'elle a construit au centre ville de Belle-Isle-en-Terre, en 1949.

La rencontre ? Il y a quelques années, je suis allée faire une balade à Belle-Isle-en-Terre dans la forêt de Coat an Noz. Sur le feuillet récupéré un peu plus tôt à l'OT, on avait lu « le château de Lady Mond ». A l'époque, je me souviens m'être demandée qui pouvait être cette femme et m'être dit que le « lady » devait être un faux titre et qu'elle ne devait pas être plus Lady que moi. Il y a deux ans, j'ai rencontré une lectrice du blog et au cours de la discussion elle m'a parlé de cette femme, mariée à un industriel anglais à qui avait appartenu l'endroit près d'où elle logeait durant son séjour. Je n'ai pas tout de suite percuté mais j'ai finalement fait le lien. Quelques mois plus tard, de passage à Dinard, je découvrais le Castel Mond. Mais combien d'endroits liés à cette femme y'a t-il en Côtes-d'Armor ?

Pourquoi ? A la suite de mes lectures, Lady Mond m'est apparue comme une femme déterminée mais un peu capricieuse, en qui je ne me reconnais pas du tout et pour qui je n'éprouve pas vraiment de sympathie. Pourtant, pourtant, c'est un fait, depuis que j'ai découvert tous ces indices sur sa présence, je suis complètement captivée et j'oscille entre interrogation et fascination pour ce parcours atypique. Pour son attachement à sa ville natale. Malgré son ascension sociale, malgré sa vie de nomade mondaine, sa vie a débuté et s'est terminée à Belle-Isle-en-Terre. Par la méconnaissance du couple Mond qui a pourtant laissé des traces un peu partout dans les Côtes-d'Armor. Enfin, par la capacité d'adaptation de celle qui est passée d'une vie simple à une vie mondaine, qui a eu un parcours digne d'un roman (ou d'un téléfilm) :

« […] son mari baissa alors le « Rastel Loaiou » […] pour permettre aux uns et aux autres de saisir sa propre cuiller de buis […] qu'ils plongeront dans la bouillie d'avoine puis lécheront et relécheront car de faire la vaisselle il n'est pas question. » (p. 20)

« […] aussi la voit-on rouler entre le pouce et l'index le manche d'un petit fouet en or ciselé qui lui est personnel. » (p. 210)

(Extraits de Pierre Delestre, Lady Mond)

En savoir plus,

> Pierre Delestre, Lady Mond - Maï la Bretonne, Ed. Coop Breizh, 1984.
Un documentaire qui reprend les éléments de l'ouvrage précédemment cité.
> L'OT de Belle-Isle-en-Terre pour quelques éléments sur Lady Mond et son mari et leur impact sur la commune.
> Une des randonnées passant près du château à Belle-Isle-en-Terre

* Je compte revenir dessus, ce n'est donc pas la dernière fois que vous entendrez parler de Lady Mond par ici ^^ 

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Commentaires
K
C'est vraiment un personnage fascinant ! Il y aurait de quoi écrire deux ou trois romans avec sa vie... Je ne sais pas si elle était belle, mais elle devait être captivante pour ainsi attirer (et garder) les hommes de pouvoir.<br /> <br /> Comme toujours, merci pour cette découverte :)
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