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Confidences autour d'un thé... (ou d'un café)
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31 mars 2016

31 Mars

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Il est 10h30, on entend une clameur au loin à travers la fenêtre ouverte de l'appartement. "Je file au point de RDV!".

Manifester. Dans le calme, avec des slogans tout pourris et des musiques reggae-rock. Entendre que "Place de Bretagne ça matraque". Me souvenir de ces journées de mobilisation alors que je n'avais pas 20 ans. Le CPE lorsque j'étais en terminale, puis les blocages à la fac dont la fois où on avait du évacuer la bibliothèque par la porte arrière comme si on était des otages libérés par le raid. Revenir où la manifestation avait débutée, déjeuner de sandwichs, discuter. "Ça a l'air de s'être calmé". Remonter finalement vers République et sentir son coeur se soulever et sa gorge piquer. Prendre une rue parallèle, aller prendre un café. Voir le métro fermé et tenter de remonter vers Sainte-Anne. "Désolé, vous ne pouvez pas passer" nous dit un monsieur des forces de l'ordre, "prenez les escaliers de l'ancien Gaumont". Sous des boum! bam! derrière nous ("c'est quoi ça ?", "sans doute des grenades assourdissantes") on passe par cette toute petite ruelle. "On est où là, au milieu d'une guerre civile ?". Aller acheter son pain, profiter du soleil quelques minutes et rentrer.

Deux heures plus tard, descendre de l'appartement, tomber sur des jeunes qui remontent vers la cathédrale et les éviter avec soin. Une énième sirène, des camionnettes qui affluent, la fontaine devenue verte. Prendre des rues parallèles et expliquer à sa soeur qu'on accompagne à la gare comment quelques heures auparavant mes yeux me piquaient terriblement alors que je n'étais même pas au centre des affrontements. Échanger sur le fait que c'est triste d'en venir à la violence, qu'il y aurait sans doute des actions spectaculaires et pacifiques à faire. Que plutôt que porter son énergie sur des altercations, elle serait plus utile sur des actions positives. S'étonner du nombre de bus aux abords de la gare et expliquer à ceux qui filtrent l'entrée de celle-ci que je n'ai pas de titre de transport "j'accompagne seulement". Un "euh, bon, d'accord"  embarrassé et on passe. Pour la première fois depuis des semaines, le train est mis en gare vingt minutes avant son départ. "A ce week-end ced'" et me voilà repartie.

Les yeux qui piquent, encore. "Pourtant tout à l'heure ça allait...". Réaliser en entendant les sirènes et les cris que ça a repris. Voir des gens venir en sens inverse qui se couvrent le visage. Tenter de revenir à l'appartement en évitant les affrontements et les gaz lacrymo en passant dans des rues parallèles, mais ne rien pouvoir faire contre le vent qui pousse cette fumée vers soi. Marcher vite, le coeur qui bat, l'écharpe sur la bouche pour protéger sa gorge en feu, les yeux qui piquent et qui pleurent. "Mais je suis où là ?!". Respirer, enfin, en regardant la sphère de la caravane pour l'exposition universelle 2025. Rentrer, ouvrir sa fenêtre et entendre les sirènes.

Des sirènes, encore et encore. 

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